Je reproduis ici cette nécro que j’avais alors écrit, dans une version légèrement revue, notamment au niveau des liens
Un des auteurs majeurs du néo-polar français vient de disparaître.
La vie est folle : c« est au moment où paraissent les correspondances de Jean-Patrick Manchette et de ADG, les deux auteurs les plus politiquement opposés du “ néo-polar” français, que disparaît Frédéric Fajardie.
La vie est folle : l’ancien membre des comités “ Vietnam de base” et de la gauche prolétarienne (GP) parisienne, qui vécu intensément Mai 68 (lire “ Jeunes femmes rouges toujours plus belles” , 1987), ne verra pas Mai 2008.
La vie est folle : Fajardie est mort.
Sa disparition a été annoncée ce matin par son éditeur Olivier Frébourg
(qui l’avait connu à La Table Ronde, avant de l’emmener aux éditions de
l’Equateur). Le décès est survenu le 1er mai, un comble pour un ancien
maoïste, alors que Fajardie (de son vrai nom Ronald Moreau), âgé de
61 ans, souffrait d’un cancer depuis un an.
Le romancier d’Action Directe
Avec son pseudo à l’américaine, Frédéric “ H.” Fajardie a longtemps été considéré comme “ le romancier d’Action directe” . Un groupe pour lequel il avait peu de sympathie. Ses premiers polars, publiés dans les mythique collections Sanguine des éditions Albin Michel et aux Nouvelles éditions Oswald étaient en effet des fictions agressives, poétiques, armées et burnées, qui mettaient en fiction des mouvements gauchistes armés.
Il sera cependant faux de prétendre qu’ils en firent l’apologie. Mais on relira toujours avec passion ces petites pépites comme « Tueurs de flics », « La Nuit des chats bottés”, « La Théorie du 1%” ou « Polichinelle mouillé”.
C’étaient la romance de la rage, prenant en compte l’impossibilité de
la victoire, en imaginant une diversion qui puisse être -socialement et
individuellement- plus héroïque que de seulement perdre héroïquement.
Le commissaire Padovani, personnage central de ces néo-polars, étaient
revenu récemment dans l’œuvre fajardienne, pour le plus grand bonheur
des passionnés : « Full Speed” (Eds des Equateurs, 2004).
Le « néo-polar » français a ceci de particulier que, à l’exception de Manchette ou de Pouy (milito-méfiants), quasi tous les membres qui en firent partie -de Daeninckx à Jonquet, de Delteil à Bastid, de Fajardie à Raynal- avaient milité dans une organisation distincte de l’après Mai 68. D’où des querelles qui, des années après, occupèrent le milieu de polar (autour de Perrault, Daeninckx, Quadrupani, etc). Fajardie y fut aussi pris.
Il était resté un auteur exigeant et toujours à la page, car il avait, les années faisant, varié les genres. Jusqu’au roman historique : « Le Foulard rouge », « La Tour des demoiselles” , etc. Un genre où son lyrisme, déjà remarqué dans le polar, mais aussi dans le « roman de classe » (« Une charrette pleine d’étoiles », « Des lendemains enchanteurs ») faisait mouche.
Fajardie animait très régulièrement des ateliers d’écriture, dans tous les milieux. Plusieurs d’entre eux ont donné naissance à des ouvrages collectifs, comme la trace d’un combat et d’une classe : par exemple « Metaleurop, paroles ouvrières » (2003).
Fajardie était aussi scénariste. On lui doit entre bien d’autres autre l’écriture de « Parole de flic » de José Pinheiro. Le très français « Ne réveillez pas un flic qui dort » (1988) était, par exemple, l’adaptation de son roman « Clause de style ».
Comble pour un ancien de la GP : être décoré par l’Etat. Frédéric H. Fajardie était chevalier de l’ordre des Arts et Lettres.
La vie est folle.
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