Printemps arabe, mers du Sud, Belgique, World Alliance, Tahiti et Nouvelle-Calédonie, ponts et puissance de la fiction : ce fut un grand plaisir. Trois jours de soleil (et un orage le samedi soir), de palabres, de rencontres, de sourires et d’huîtres. Une des meilleures cuvées malouines que j’ai couvertes. Avant d’aller aux Assises, il est donc temps de faire mon bilan.
Un bilan factuel tout d’abord
A peu de choses près, cette édition 2012 d’Etonnants Voyageurs a attiré autant de public que la précédente : environ 60 000 personnes (chiffre cumulé, qui additionne le nombre de spectateurs qui sont entrés dans les salles de débats et au salon du livre) selon les organisateurs, qui se sont pressées durant trois journées estivales.
Six Prix littéraires ont également été remis durant le festival :
- le Prix Ouest-France / Étonnants Voyageurs à Libar Fofana pour « L’étrange rêve d’une femme inachevée » (Gallimard)
- le Prix Nicolas Bouvier à John Vaillant pour « Le Tigre » (Noir Sur Blanc)
- le Prix Joseph Kessel à Rithy Panh et Christophe Bataille pour « L’élimination » (Grasset)
- le Prix Robert Ganzo de poésie à Marie-Claire Bancquart pour l’ensemble de son oeuvre
- le Prix « Gens de mer » à Jean Rolin pour son oeuvre à caractère maritime
- le Grand Prix de l’Imaginaire à Roland C. Wagner pour « Rêves de Gloire » (L’Atalante) et
- le Prix spécial aux éditions José Corti
Seul hic : de façon généralisée, les libraires pointaient une baisse très nette des ventes par rapport aux précédentes éditions.
Photo copyright Etonnants Voyageurs |
Un bilan culturel ensuite
La bonne humeur qui s’est dégagée du festival cette année tient, outre l’intense qualité de programmation déjà signalée sur ce blog, à la personnalité culturelle de deux des contrées invitées : la Belgique et les mers du Sud. Des auteurs, illustrateurs et artistes qui avaient envie d’échanger. Songez que même Noël « l‘entarteur » Godin, n’a pas jugé utile d’entarter. Bon, il est vrai que seule la Belgique francophone.
Mais prenez les Maoris. Pensez-vous qu’ils étaient tous d’accord ? Que non ! Quelle ne fut pas ma surprise, le soir même de mon arrivée, de dîner à côté de Patricia Grace et d’Alan Duff, et d’apprendre que ce repas état leur première discussion depuis vingt ans ! Le motif ? Un désaccord cinglant sur la question maorie. La première a une position plutôt victimaire, le second est plutôt accusateur et écrit la violence et l’alcoolisme de sa propre « communauté ». C’est ce genre de positions qui ont pu être tenues, en public. Les auteurs, même en désaccord, avaient plaisir à venir les exprimer. Déwé Gorodé, Chantal Spitz, Patricia Grace, Alan Duff et tous les autres invités « mers du Sud » ont beaucoup donné. Ils ont fait honneur.
Ne croyez pas que les invités le font systématiquement. Je me rappelle en 2010, quand la Russie était un des thèmes. Des auteurs refusaient de venir aux rencontres car ils n’aimaient pas un de leurs contradicteurs. D’autres, bourrés, oubliaient carrément où ils étaient, et de venir à leurs débats, après avoir fait montre de vulgarité avec les serveuses des bars (j’ai vu)… Entendons-nous bien : être bourré dans un festival, rien de plus normal. Mais dans un festival, on donne.
Un bilan culturel encore
Cette édition fut également marquée par la présence des responsables
des festivals membres de la Word Alliance, qui ont tenu le lundi 28 mai
leur réunion annuelle, et ont affirmé leur
volonté de favoriser la circulation des auteurs entre leurs différents
événements. Ils ont aussi lancé le projet, se déroulant le long de la
saison 2012-2013, d’une conférence mondiale d’écrivains sur la place et
le rôle de la fiction aujourd’hui. Un grand site internet « World
Alliance » va également être lancé.
Photo copyright Etonnants Voyageurs |
Pour ce qui est stricto sensu de l’association Etonnants Voyageurs, il est fortement question d’un gros évènement à venir en 2013 au Congo-Brazzaville, ainsi que de la direction d’un festival littéraire à Cape Town en Afrique du Sud.
Un bilan personnel, enfin
Pour ma part, qui travaille annuellement pour le festival depuis 2005, c’est donc une des éditions que j’ai préféré vivre. La majeure partie de mes débats ayant eu à voir de près ou de loin avec les mers du Sud, j’ai bénéficié de la bonne humeur décrite plus haut. Notamment pour ce débat Rue89, « La réappropriation du regard », qui avait lieu le dimanche matin.
Pareil pour ce débat « Sortir de soi : de la nature au livre », le lundi, qui portait sur la cartographie mentale et littéraire du vivant, des espaces, de la nature, de la chasse aussi.
Fort aimé aussi cet autre sur les « Poor white trash », avec un Eric Miles Williamson en pleine forme, un Donald Ray Pollock qui pour son deuxième passage en France s’est révélé fort souriant malgré sa timidité naturelle, et une Sylvie Laurent hyper précise. Et les autres.
Les débats que je modérais et les circonstances du festival (dîners, coups à boire, arbre à palabres) m’ont amené à rencontrer les éditions tahitiennes Au Vent des Îles, et plus particulièrement Christian Robert, l’éditeur de la maison et l’organisateur d’un Salon du Livre à Tahiti. Un féru de rugby, qui l’a même pratiqué au Japon, et qui prépare néanmoins un livre avec Antoine Kombouaré. Que moi, supporter marseillais, et lui, qui ne goûte vraiment le ballon que lorsqu’il est ovale, nous soyons rencontrés autour de l’ancien joueur et entraîneur du PSG en dit long sur le plaisir de la rencontre.
Ces rencontres et les quelques séances de dédicaces du « DonQui Foot » m’ont aidé à voir le travail énorme fourni par les libraires, et surtout les bénévoles qui font que ces rencontres et ce festival peut se tenir de cette si belle manière.
Avant de se retrouver pour la prochaine édition du 18 au 20 mai 2013, n’oubliez pas de vous rendre régulièrement sur le site du festival. Tous les débats y seront progressivement mis en ligne. Et vous aurez des nouvelles de la « World Alliance », nouveau challenge et nouvelle étape validant l’essence même d’Etonnants Voyageurs.
Photo copyright Etonnants Voyageurs |
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