Certains changent de joueurs, d’autres de nom. A Paris, le PSG achète Ibrahimovic, Thiago Silva et Lavezzi, -cette saison, le G signifiera Galactiques. A Saint-Ouen, c’est-à-dire à quelques encablures du nord de la capitale, le Red Star FC 93 est redevenu le Red Star Football Club.
«A compter d’aujourd’hui, le Red Star FC 93 redevient le Red Star Football Club. Un changement d’appellation déposé en préfecture et qui voit l’Etoile Rouge renouer avec son histoire et sa longue tradition!»
Ce n’est jamais que le onzième nom du club, qui porta déjà son nouveau nom de 1967 à 1968. Se retourner sur son histoire, c’est tourner quelques pages d’une légende, où l’on croise plusieurs quartiers de Paris, l’anticléricalisme, l’Affiche rouge…
Red Star. Un nom, mais aussi une image, une couleur, une classe sociale, une identité. Cette étoile rouge cerclée de vert, ce pourrait être une Converse All Stars. Mais non. C’est un club. C’est même le seul, de la première à la troisième division hexagonale, dont le nom n’indique en rien le lieu géographique du club. On frise l’irrationnel, non ? Mais voilà, plus qu’un club, le Red Star est un lien entre territoire, politique et identification sociale. On dit « Red Star » et tout à coup on se tait.
Red Star : Bourgeois et anticlérical
D’origine bourgeoise, il devint vite populaire, ouvrier, banlieusard : en cela, il suivit le même destin que le football, qui lui trahit ses origines bourgeoises (Oxford, Cambridge) pour devenir ouvrier et populaire. C’est en février 1897 que quelques bourgeois, attablés aux tables d’une brasserie du septième arrondissement de Paris, écrivirent les statuts d’une société sportive : le Red Star Club Français, club omnisports. Parmi ces bourgeois : Jules Rimet, qui plus tard fut le père de la Coupe du monde. Mais si l’étoile est rouge, ce n’est pas pour honorer le vin bu à table. C’est parce que cette « société sportive » avait pour but, dans la tête de ces messieurs, de donner un écho dans les classes populaires à leur propre combat : l’anticléricalisme de gauche. Selon les versions, le nom est soit un hommage à Buffalo Bill, soit une référence à la compagnie transatlantique Red Star Line.
Dès 1898, le club fusionna avec l’Union Pédestre de la Rive Gauche, évolua alors dans le championnat de Paris, organisé par l’Union des sociétés françaises de sports athlétiques (USFSA). Il jouait alors dans son arrondissement d’origine, sur un terrain proche du Champ de Mars, avant d’être prié d’aller jouer au ballon à Meudon. Première incursion en banlieue (sud).
En 1907, le Red Star s’offrit une deuxième fusion, cette fois avec l’Amical Football Club, et devint le Red Star Amical Club. Il revint dans la capitale intra-muros, pour aller jouer sur un terrain vague à Bir-Hakeim. En 1909, le lieu fut revendu pour y bâtir un grand vélodrome : le Vélodrome d’Hiver. Oui, le funeste. Le club, lui, trouva un domicile fixe : le flambant neuf Stade de Paris, rue de la Chapelle, derrière le marché aux puces de Saint-Ouen. Depuis lors, son domicile n’a pas bougé (le Stade de Paris s’appelle aujourd’hui stade Bauer), bien qu’il ait changé : suite à la loi du 10 juillet 1964 réorganisant l’Ile-de-France, et découpant le département de la Seine en quatre nouveaux départements (Paris, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne), Saint-Ouen devint une ville de petite couronne.
Dans les années 1930, le maillot vert à manches blanches, qui était alors celui de l’Olympique de Paris, devint pour un temps celui du Red Star. Car, oui, il y avait eu une nouvelle fusion, en 1927. Jusqu’en 1946, on l’appellerait le Red Star Olympique. Par la suite, il y aurait sept autres fusions ou changements mineures d’appellation (comme un « Football Club » laissant la place à « Association Sportive »). Mais il y avait toujours, dans le nom et le blason : une Etoile Rouge. Red Star.
Red Star, Football et Résistance
Une étoile et un symbole à jamais associées au club. Comme lui restèrent associées l’image de la « ceinture rouge » et communiste du « 93 » jusque dans les années 1990. Le Red Star fut le club de Rino Della Negra (1923-1944), un des FTP-MOI de Manouchian. Fils d’immigrés italiens vivant (et jouant ailier droit) à Argenteuil, il n’avait pas encore vingt ans quand il arriva, dans un club qui venait de remporter une nouvelle Coupe de France, en provenance de la jeunesse Sportive Argenteuilloise. C’était en 1942-43. Il avait alors tout pour devenir une star : la renommée locale, l’aura, la technique, le jeu, et l’âge. Mais il n’en eut jamais le temps : d’adulescent, Della Negra devint directement citoyen, et en mourut.Réquisitionné pour le STO en 1943, il décida de ne pas partir, et
prit la clandestinité dès octobre 1942, sous le matricule 10 293, au
sein du troisième détachement italien des F.T.P. – M.O.I. commandé par Missak Manouchian.
Six mois après son arrivée au Red Star, il mit ainsi sa carrière entre
parenthèses. Personne n’en savait rien au club, comme me le confia un
jour le capitaine de l’équipe d’alors, Léon Foenkinos –grand-oncle de l’écrivain-, alors que je l’interrogeais pour écrire le « DonQui Foot ». Ni Julien Darui, ni Helenio Herrera, ni Fred Aston,
ni André Simonyi.
En 1943, le clandestin participa à de nombreuses actions en région parisienne, comme l’exécution du général Von Apt le 7 juin, ou bien l’attaque du siège central du parti fasciste italien trois jours plus tard. Mais le 12 novembre, il fut blessé et arrêté durant l’attaque d’un convoyeur de fonds allemand, au 56 rue Lafayette. Les deux jours suivants, la Brigade Spéciale 2 des Renseignements généraux français fit tomber le réseau Manouchian. Della Negra, fut fusillé au Mont Valérien le 21 février 1944, avec les 23 membres de l’Affiche rouge –sur laquelle il ne figure pas.
La légende du résistant a, on le comprend, relégué au second plan les doutes (réels et avérés) sur la réelle compétence au haut niveau du joueur Della Negra. Mais cette page de l’histoire participa évidemment à la culture communiste du club, et donc à son encrage dans le « 93.
Le Red Star vit passer des joueurs et des entraîneurs comme Fleury Di Nallo, Roger Magnusson, Roger Lemerre, Robert Herbin, Steve Marlet, ou encore un certain Helenio Herrera, le futur inventeur du catenaccio. Même le superbe Safet Susic, emblème du PSG des eighties, alla faire une pige d’un an à Saint-Ouen, à la fin de sa carrière de joueur. Il y affronta même son ancien co-équipier Luis Fernandez, lui-même passé à l’AS Cannes, pour un quart de finale de Coupe de France en 1992.
L’histoire du Red Star, c’est cinq Coupes de France (1921, 1922, 1923, 1928, 1942), deux titres de Deuxième Division, des fusions, plusieurs noms, et des ascenseurs entre première et deuxième divisions depuis l’après-guerre. Le club eut statut « pro » de 1932 à 1948, de 1952 à 1960, de 1961 à 1978 et de 1993 à 2001. Il est aujourd’hui en national, c’est-à-dire en troisième division. Son histoire et sa culture lui ont donné l’ADN populaire dans le sens le plus pur et le plus héroïque du terme.
Red Star : un blason et un cri
Le Red Star incarne l’utopie d’un autre football à Paris, à l’opposé du Racing, du PSG d’Hechter, de Canal, ou à présent des Qatariens, ou même de feu le Matra Racing de Lagardère.
Le Red Star a une étoile rouge en plein cœur. Toujours. Le Red Star est vert et rouge. Et on sait qu’en France, les légendes du foot sont aussi faites de vert. Le lien entre le Verts de Saint-Etienne et ceux de Saint-Ouen porte chevelure rousse : celle de Robert Herbin, qui entraîna les deux clubs.
Le Red Star, c’est « la sociale » du football : seul club de l’histoire de France à avoir été ouvertement communiste, il est aussi un symbole. Un lien. Un blason. Un cri.
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