Avant le match de ce soir, bref retour sur l’histoire des confrontations entre les deux premiers grands clubs du foot français.
L’esprit Canal semble revenu : la chaîne a en effet choisi Reims-OM comme grand match du dimanche. Grâce à elle, le match de clôture de cette première journée de Ligue 1 est un match où on boira l’apéro. Et selon les moyens et les coutumes, on le boira au pastis ou au champagne.
Ce soir, c’est Reims-Marseille. Ce soir se rouvre une grande page du football hexagonal.Reims-OM, c’est le plus grand club français de l’après-guerre qui rencontre ceux qui sont « à jamais les premiers ». C’est le premier finaliste de la grande Coupe d’Europe contre les premiers français qui la gagnèrent : les champenois perdirent deux finales contre le grand Real Madrid, en 1956 (la première édition) et 1959, et comme chacun sait l’OM remporta la « coupe aux grandes oreilles » en 1993.
Ce match se jouera à Reims, à guichets fermés. C’est le gala que méritait Reims pour son retour dans l’élite après trente-trois ans d’absence. Pour moi, c’est l’équipe phare de ma région de naissance qui rencontre le club de mon coeur, et la ville de mon cœur.
Grande histoire
Reims et Marseille, ce sont deux des plus beaux palmarès nationaux : six titres de champion de France pour le premier, neuf pour le second. Lequel est aussi le recordman des victoires en Coupe de France (dix, contre deux aux champenois). C’est d’ailleurs cette Coupe qui vit, au printemps 1987, la dernière confrontatio
n officielle entre les deux géants.C’était avant les grandes épopées vertes. C’était dans les années cinquante pour Reims, et au tournant des années 1960-70 pour l’OM.
Reims fut la première équipe à faire gagner un football fait de mouvements, de dribbles, d’impros et de passes incessantes. « La passe à vingt ou à quinze, c’est plutôt nous qui l’avions inventée, par Barcelone », taquinait d’ailleurs l’ancien rémois Robert Siatka dans L’Equipe du 8 août dernier. On l’appela directement le « football champagne », un système qui laissait une grande liberté aux joueurs, et où la technique était l’essentiel. Plus grand club français de l’après-guerre, le Stade de Reims remporta six titres de champion de France et deux Coupes de France entre 1949 et 1962. En plus de deux grandes finales européennes, donc, à chaque fois contre le Real Madrid.
Raymond Kopa joua la première de ces finales avec le maillot du Stade de Reims. Et la seconde avec celui du Real. Après un début de carrière à Angers, Kopa ne connut plus que deux clubs : Reims (1951-56 puis 1959-67) et le Real (1956-59). Kopa fut le premier très grand joueur du football français, qui n’en connût ensuite que deux de ce calibre : Platini et Zidane.
Le « grand Reims », c’est cette période où l’ossature rémoise formait aussi celle des Bleus : Kopa, Piantoni, Fontaine, Marche, Jonquet. Le déclin du club rémois débuta dans les années 1960 avec une première relégation entre 1964 et 1967, puis ce fut la relégation, et l’enfer, entre 1979 et… 2012.
Lors de ce beau 2-2 entre Reims et l’OM, en 1966, un des derniers grands matches de Kopa, les deux équipes étaient en deuxième division…
Reims ne le savait pas encore, mais allait remonter dans le ventre mou de l’élite, sans jamais retrouver le niveau d’antan. L’OM, lui, s’apprêtait à voir arriver Skoblar, Magnusson, Trésor, et à remporter les Coupes de France 1969, 1972 et 1976, écrivant une grande page de sa légende, et connaissant ses premières grandes stars nationales et continentales.
C’est lors de la saison 1945-46 qu’eut lieu la première confrontation entre les deux équipes, en championnat : les rémois l’emportèrent 5-3 à Marseille, avant de gagner 4-1 chez eux au match retour. La première victoire marseillaise (3-2) eut lieu dans la cité phocéenne, le 15 mai 1947, lors de leur quatrième rencontre. La plus grosse rouste date du 25 novembre 1951, lorsqu’à Reims, les locaux mirent un 8-1 aux phocéens. C’est le 18 mai 1971, sur le chemin du titre, que l’OM de Magnusson, Skoblar et Zvunka alla pour la première fois gagner (2-0) au stade Delaune, à Reims.
Pendant toute la décennie 1970, les deux clubs évoluèrent dans l’élite, et se rencontrèrent deux fois par an minimum. Outre ses victoires en Coupe, l’OM fut sacré champion deux années d’affilée (1971 et 1972). Comme pour ce huitième de finale de la Coupe de France 1976, qui serait plus tard remportée par les marseillais.
C’était le temps d’avant les épopées européennes des Verts. C’était le temps d’avant l’argent. C’était un temps où le PSG n’existait pas. Le football français se peignait alors en rouge et blanc (couleurs rémoises), ou en bleu et blanc (Marseille), en vert (car même avant de devenir les grands Verts, Saint-Etienne était déjà une grande équipe hexagonale) ou en jaune (Nantes).
Toutes compétitions confondues, les deux clubs se sont rencontrés à 63 reprises. Avec 28 victoires, Reims a bien de l’avance sur les 18 victoires marseillaises -17 matches nuls.
C’est des demi-finales de la Coupe de France 1987 que date la dernière confrontation. C’était la première année de l’ère Tapie, et l’équipe marseillaise était composée entre autres de Joseph-Antoine Bell, Bernard Genghini et Alain Giresse (deux milieux du carré magique, le premier n’étant resté que six mois, en prêt, sur la Canebière), Karl-Heinz Förster, de JPP, mais aussi du défenseur aubois, donc champenois, Thierry Laurey, et du milieu Franck Passi. Ce dernier est devenu cet été l’entraîneur adjoint de l’équipe phocéenne, après avoir été plusieurs années membre de la cellule de recrutement du club. Les marseillais l’emportèrent 2-0 au vélodrome, puis 5-1 à Reims (Laurey et Passi marquèrent une fois chacun).
Hidalgo, plus grand homme du foot français, et lien entre Reims et l’OM
Cette saison-là, Michel Hidalgo était devenu le manager général de l’OM façon Tapie. Il le restera jusqu’en 1991, et un désaccord de plus en plus net avec la politique de son patron. Aujourd’hui consultant de la chaîne OMTV, et vivant toujours à Marseille, il fut le grand sélectionneur de l’équipe de France entre 1976 et 1984 (Séville, c’est aussi lui). Il fut aussi co-créateur de l’UNFP, le premier syndicat de joueurs français, dont Kopa fut aussi un des créateurs, et était un joueur fort honorable entre 19532 et 1966 (ailier puis milieu, une sélection en Bleu). S’il joua la plus grande partie de sa carrière à Monaco entre 1957 et 1966, donnant au passage des cours de sports aux petits princes Caroline et Albert de Monaco, il joua auparavant trois ans, et soixante dix-huit matches, avec le Stade de Reims.
Oui, Michel Hidalgo fut de cette équipe qui disputa la première finale de la Coupe d’Europe des champions européens. Or, on le sait, sa carrière, son rôle syndical, et sa réussite de sélectionneur font de lui le plus grand homme du football français –du moins est-ce mon avis, et je l’ai toujours écrit.Ce n’est pas un hasard si le nom de ce grand homme est gravé dans l’histoire du Stade de Reims et de l’Olympique de Marseille.
Quand on parle Reims-Marseille, on parle d’apéro, on parle de football, mais on parle aussi d’histoire et de grands hommes.
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