Ni sur beIn, ni sur Canal, ni sur Direct 8, mais sur internet. Cette saison, on le sait, et malgré la multiplication de chaînes et des retransmissions, le championnat de National n’a même pas attiré les rédactions régionales de France 3. Certes, c’est une division Amateur. Certes, ces matches ne sont pas d’une intensité équivalente à un match de Ligue1 (quoique, parfois…). Mais à l’heure de la démultiplication des canaux, et où la Ligue et les diffuseurs se sont entendus à tout niveau pour calquer les horaires des rencontres sur les désirs des chaînes, ceux pour qui le football signifie une identification profonde entre leur ville, leur classe sociale et leur identité peuvent mal le vivre.
C’est donc sur le web que l’on peut suivre un championnat où sont pourtant retombés le FC Metz et Boulogne, qui étaient encore en Ligue 1 il y a trois ans. Où l’on trouve des clubs comme Quevilly et Carquefou, héros récents et récurrents de la Coupe de France. Et où trois clubs de la région parisienne s’en disputent l’hégémonie du cuir amateur : Créteil, le Paris FC, et donc le Red Star.
La Ligue 1 a son match phare, le National aussi
Cette saison, le site de la Fédération retransmet en direct un match lors de chaque journée. En direct, et gratuitement. Un match que l’on peut revoir en intégralité ensuite. Un dispositif en collaboration avec Visiofoot, Dailymotion et le PMU, qui mobilise des moyens importants pour du National : quatre caméras, trois placées en tribunes et une autre en bord de pelouse. Une cinquième est, quant à elle, braquée sur le commentateur et son consultant.
Replay Red Star Rouen par ffftv
La Ligue 1 a son match phare du dimanche, sur Canal. Le National a son match phare du vendredi ou du samedi, sur le web. Les joueurs amateurs ne sont nullement en retard sur leur époque.
Hier soir, pour la deuxième fois de la saison, « l’affiche » se jouait à Bauer, l’antre du Red Star. Mille cent quinze spectateurs étaient venus voir leurs joueurs porter pour la première fois à domicile leur tout nouveau maillot : des rayures vertes et blanches, soit les couleurs mythiques du club.
Les audoniens affrontaient le FC Rouen. C’était donc un match de dix-neuvièmistes : la pelouse synthétique du stade audonien voyait en effet s’affronter deux des plus vieux clubs français (1897 pour le Red Star, 1899 pour le FC Rouen).
Lors de leur dernière confrontation à Bauer, en janvier dernier, les
locaux étaient en position de relégables. Ils venaient de prendre neuf
buts en deux matches : un 4-0 contre Vannes, et un 5-0 méritoire (ils
avaient résisté quarante-trois minutes avant d’imploser) en Coupe de
France contre l’OM ; un match-évènement qui s’était joué au Stade de
France.
Dans le prolongement de cet évènement, le Red Star avait gagné 2-1
contre Rouen. C’était une quinzaine folle, racontée dans « L’Etoile du
Nord », le fort beau documentaire de Laurent Jaoui pour la série de
Canal +, « Intérieur Sport » (merci à toi, Laurent, de m’avoir montré ce
film).
D’une saison à l’autre, les Red Star – Rouen se ressemblent
Parfois, le temps qui asse est un miroir. Pensez qu’en ce 14 septembre 2012, à l’entame de la septième journée de la nouvelle saison du National, le Red Star se trouve encore en position de relégable. Dix-septième. Et que le match précédent l’a vu, à nouveau, prendre une branlée et quatre buts : défaite 4-1 au Poiré-sur-Vie, après avoir joué à onze contre dix toute la seconde mi-temps, et que le score était de 1-1 à la pause. En début de saison, ça fait tâche.
Hier soir, le contexte était donc assez similaire à l’aune de recevoir le cinquième du championnat. Si l’on ne vit pas une révolte (les visiteurs étaient supérieurs techniquement et collectivement), on vit une victoire, acquise sur un but cafouilleux vers la mi-temps de la seconde période, et sauvegardé ensuite.
Cette équipe, très fortement modifiée par rapport à la saison dernière, fait très peur à ses supporters. Un seul but, donc : jouer le maintien.
« Antifa ! Antifa ! Antifa ! »
Et des supporters, il y en a. Tout le match, le kop a chanté, crié,
encouragé, et a ambiancé un match qui, lui, manquait d’ambiance. Un kop
qui a su aussi revendiquer sa classe sociale comme il convenait. C’était
en cours de première période, lorsqu’on l’entendit crier : « Antifa !
Antifa ! Antifa ! ». Comme aux plus belles heures des bastons
skins-redskins des années 1980/90, époque où le Nord de Paris en
connaissait de sévères.
Pourquoi donc ces revendications en plein match ? Parce que de petits
groupes de supporters rouennais prenaient place dans les tribunes
visiteurs. On apprit plus tard que les fouilles avaient été corsées, et
avaient duré. Car au sein des supporters normands s’étaient glissés des
éléments fascistes, avait semble-t-il prévenue la Préfecture de Police.
Il y avait effectivement plus de stadiers qu’à l’accoutumée chez les
visiteurs, et ils eurent du travail car il y eu pétards, bastons (entre
normands) et une légère tension durant la suite du match, provoquée par
ces individus qui ne le regardaient pas. Sur le chemin du retour, on
croisait voitures et cars de police jusqu’à la Porte de Clignancourt, ce
qui est assez inhabituel dans le cadre du championnat National.
Contacté ce samedi, le commissariat local refusait de répondre plus sur
ces faits.
Il semble donc que la place peu enviable du « 93 » dans le baromètre de la volonté politique des gouvernants et parlementaires nationaux fasse des jaloux. Ce qui fait des jaloux, c’est ce qui fait nos envies : un club dont l’identité ouvrière fut de tout temps revendiqué. Un stade à la sono hésitante, un stade où le score met du temps à s’afficher, mais un stade où une partie de la ville se donne rendez-vous.
Dans une ville, un stade est comme un bar : on s’y donne rendez-vous pour parler, et voir. Dans la même direction, celle du terrain, du ballon et des joueurs. Oui, on va au stade comme on va faire ses courses, boire un coup, écouter de la musique. Pour voir du spectacle vivant. Dans la ville.
>> Addendum du 16/09 à 18h22 :
Le Parisien du jour, repris par le site France Football, précisait ceci :
L’ambiance était chaude au stade Bauer vendredi soir après la victoire du Red Star (1-0) contre Rouen. Deux supporteurs rouennais ont d’abord été interpellés pour usage d’engins pyrotechniques. Ils feront l’objet d’une plainte du club audonien. Puis, prétextant des provocations du kop normand pendant le match (un drapeau français puis un autre allemand, connoté « nationaliste », ont été brandis), quelques supporteurs du Red Star ont caillassé le bus des supporteurs rouennais qui s’apprêtait à reprendre le périphérique.
Cinq personnes ont été interpellées, placées en garde à vue et finalement relâchées hier après-midi. Aucun blessé n’était signalé. « Ils se sont sentis provoqués, ils sont tombés dans le panneau », déplore un membre du collectif des supporteurs du Red Star.
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