La ville Générik Vapeur
Fer de lance de cette scène vigoureuse : Générik Vapeur, troupe fondée en 1984. Là où les nantais de Royal de Luxe, l’autre grande troupe française de théâtre de rue, œuvrent avec des géants et dans les contes, les marseillais font, eux, dans les camions et tracteurs remasterisés, avec percus et musiques emballantes. La troupe est un des joyaux de Marseille, où ses créations postindustrielles sont de tout temps un écho aux sons et aux peurs de la ville… et de ses utopies. C’est ainsi que, au J4, c’est-à-dire au pied du Mucem, c’est Générik Vapeur qui, avec la troupe chilienne Teatro Container, a creusé… le « 17e Arrondissement – Quartier utopique ». Sur l’esplanade du J4 se relaieront jusqu’au 19 mai des artistes, de conteurs, se produiront des concerts, des acrobates, des griots, et auront lieu marché paysan et autres vide-greniers. Dans la lignée des créations de Générik Vapeur avait lieu ce week-end un « Ballet de tractopelles » sur les plages du Prado. Deux représentations vendredi, idem samedi. Un spectacle de vingt minutes par la compagnie MotionHouse, une des plus importantes compagnies de « théâtre dansé » au Royaume-Uni. Son directeur, Kevin Finnan, avait crée le spectacle d’ouverture des Jeux Paralympiques de Londres l’an dernier.
Le ballet, joué en plein air dans un week-end de grand vent sur Marseille, se révéle certes une belle chorégraphie-ballet, un beau duo entre trois machines set six comédiens, mais tombe vite à plat : il ne raconte pas d’histoires.
Gros coup de cœur pour « Sport Fiction »
Une histoire, il y en avait une belle : « Sport Fiction », joué vendredi soir et samedi soir sur le parvis de la gare Saint-Charles. Une création du Ballet National de Marseille, qui voulait interroger « les rapports Sport/Danse/Image ». Et qui y parvient au centuple, offrant un moment de poésie et de culture pop d’une grande profondeur.
Également joué dans des conditions venteuses, le spectacle commence par le stade, et finit par le stade. Cela débute par un décalage qui nous plonge dans l’histoire. Sur des images de l’OM 2012-2013, que le passionné identifiera aux maillots, la bande son passe des commentaires passés à la postérité : les voix de Thierry Roland et Jean-Michel Larqué lors de la victoire de l’OM en 1993. C’était à Munich. Ce 26 mai où les footballeurs marseillais devinrent « à jamais les premiers » joueurs d’un club français à remporter une Coupe d’Europe.
La suite dure une heure, et propose une sorte de Jeux olympiques revisités de façon burlesque par les danseurs, dans une chorégraphie bellement chapitrée, et au rythme millimétré. Le spectacle se joue sur deux étages, grâce à un dispositif astucieux de projections d’images qui s’impriment sur les danseurs. Comme pour rappeler qu’en sport comme dans la vie, il y a le théâtre des opérations et les opérations en cours. Une chose et son contexte. Simultanément.
(Voir la vidéo… prise de mon smartphone)
Un ballet de gestes, de prouesses, d’images, de musiques, qui passe en revue plusieurs disciplines sportives, les transformant en disciplines artistiques : haltérophilie, rugby, foot, lutte, cyclisme, natation, patinage, boxe, tennis. Mais aussi : la mode vestimentaire dans le sport, un ballet d’hommes d’affaires, le sport business, la pression médiatique…
Il y a ici autant de tutus que de ballons, autant d’inventivité que de maillots. Une profusion d’images et de danses, pour une chorégraphie allant crescendo vers le meilleur du genre, portée par une musique tantôt rétro, ambiant, électro, ou afro.
(Voir cette autre vidéo… également de smartphone)
Si « Sport Fiction » l’emporte dans l’émotion, c’est par la qualité, la variété, et l’intelligence d’une histoire racontée. Celle des hommes et d’une des disciplines dans laquelle ils dépassent leur condition : le sport, le physique, la lutte avec le temps, la lutte pour repousser les limites de l’effort. Une histoire qui va des olympiades au business, en passant par la révolution industrielle, les médias, et la lutte pour l’égalité entre les sexes.
Cette histoire, faite de vérités et de fictions, de non-dits et de mystères, le BNM l’a comprise dans sa globalité, et le spectacle ici monté évoque autant Pina Bausch que Buster Keaton, alternant entre burlesque et pop culture.
Ce samedi soir, quatre cent personnes s’étaient donné rendez-vous devant une (grande) gare.
Ce week-end était celui de « la folle histoire des arts de la rue » pour « Marseille Provence 2013″. Surveiller le site, surveillez aussi le très salvateur « Porte-Folie » (photo ci-contre) qui vous montrera ce que portent les arts de la rue.
Et surveillez surtout « Sport Fiction », en espérant que ce spectacle se rejouera dans le cadre de l’année européenne de Marseille-Provence, dont il sera de toute façon une des plus belles surprises.
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