C’est dur. D’autant que c’est rageant : cette fois, du « projet de vie » (sic) au tirage au sort en passant par la forme physique, elles avaient tout pour elles… Si seulement cette première mi-temps… Rageant, car cette élimination demeure méritée.
Linköping, c’est un drame, mais ce n’est ni une dramatique ni une injustice -Séville, c’en était une-. Cette génération dorée n’aura donc ni titre, ni mythe.
Mais lundi soir, un autre drame s’est produit : « Soub », autrement surnommée « l’insubmersible » annonçait aux micros d’Eurosport :
Ma carrière se termine aujourd’hui
Là, tout se figea.
On se dit alors : elle ne va quand même pas TOUT arrêter ?!
Mais elle n’a pas précisé. Ou plus exactement : elle a précisé qu’elle mettait fin à sa carrière internationale, et qu’elle n’avait cependant pris aucune décision quant à sa carrière de joueuse à Juvisy (Essonne). Arrêtera ? Arrêtera pas ? S’il est évident qu’à quarante ans moins un mois, elle n’a plus les jambes pour effectuer 90 minutes d’un match de niveau mondial, il est tout aussi évident qu’elle a l’esprit et les jambes pour un match de Première division française.
Une chose est plus évidente encore : Sandrine Soubeyrand est une personne noble. Un « seigneur », comme l’a déclaré Bruno Bini, le sélectionneur des Bleues, en apprenant le drame (de la retraite). Je l’ai vue jouer, je l’ai interviewée. Je n’en démords pas : nous parlons d’une femme élégante, d’un être animé par le respect, l’humilité et la pédagogie. C’est exactement le genre de femmes dont a besoin le foot français.
Pourquoi ? Parce que…
Au soir du 28 octobre 2009, « Soub » devint le navire amiral du football français. Jusqu’alors, Lilian Thuram était le joueur le plus capé de l’Histoire. Mais ce soir-là, lors d’une victoire française 2-0 contre l’Estonie, le record devint féminin : la capitaine de l’équipe de France féminine fêtait sa 143ème sélection. Arrivée en équipe de France à 24 ans en avril 1997, Sandrine Soubeyrand n’a plus quitté le groupe bleu depuis. Milieu de terrain récupérateur, elle en est la tour de contrôle. Dotée d’un pied gauche qui peut frapper comme la foudre ou délivrer des passes transversales scotchantes, elle sait également être décisive. Elle fut aussi la capitaine de cette équipe nationale.
Discrète autant que battante, elle est celle des joueuses en activité qui s’exprime de la façon la plus claire, mature et pertinente. Il faut dire que si le football est son activité, la pédagogie est son métier. Amateur comme la quasi totalité des joueuses en France, Sandrine Soubeyrand est éducatrice sportive de profession, ainsi que directrice du périscolaire dans une école de Juvisy (Essonne).
Capitaine des Bleues et du Football Club Féminin Juvisy Essonne, un des tout meilleurs clubs français, où elle signa en 2000 et où elle joue encore aujourd’hui, « Soub » fut de toutes les étapes qui virent le foot féminin tricolore regagner une place sur la scène internationale, et participa aux Championnats d’Europe de 1997, 2001, 2005, et 2009, ainsi qu’aux Coupe du monde 2003 et 2011, et aux Jeux Olympiques de 2012. Sa parole, sa longévité, son écoute, sa position sur le terrain, sa vision du jeu –et des choses- firent d’elle la meneuse qui succéda à Marinette Pichon dans le leadership de l’équipe de France. Qu’elle incarna à 198 reprises ! Oui: cent quatre-vingt diix-huit sélections…
Si, en France les joueuses de football parviennent peu à peu à imposer leur discipline, c’est parce qu’il y a des femmes comme Sandrine Soubeyrand.
Pourvu qu’elle reste.
Parce que le foot français a besoin de ces femmes-là pour ne pas rimer qu’avec pognon, Monaco et PSG. Parce que ces femmes-là sont la part d’humanité qui nous fait dire que football français peut encore rimer avec sport et avec citoyenneté.
Pourvu qu’elle reste.
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