Samedi, à Valenciennes, Valbuena, Gignac, Payet, Mandanda, Cheyrou et les autres marseillais étaient en jean. « Façon jean » en fait, en denim, qui est tout simplement la ligne de l’OM à l’extérieur pour cette saison.
On le sait : dans la vie, pour gagner, il faut être bien habillé. De nos jours, les équipements des sportifs professionnels sont conçus après des recherches technologiques, scientifiques, physiologiques poussées. Ils sont un objet sportif autant que de mode et, bien sûr, de merchandising.
Il est en effet des villes où l’on porte le maillot du club dans les quartiers (Grande-Bretagne, Marseille, Naples, etc) : celles où un citoyen s’identifie socialement à sa ville par plusieurs intermédiaires, dont son équipe de football ou de rugby. Il est des gens (j’en fais partie) qui portent parfois le maillot de leurs clubs de cœur comme ils portent un polo Fred Perry.
Ainsi, depuis des années, les maillots de football sont l’objet de toutes les attentions. Chaque saison, et sur quasi la globalité du globe, chaque grand club professionnel, qu’il soit de grandeur nationale ou continentale, a une « ligne ». Elle durera un an. Elle est composée entre autres de trois maillots : le « Domicile », le « Away » et le « Third ».
En 2012-13, la panoplie marseillaise avait de l’allure, si on excepte le col orange du « Domicile », et la comique orthographe du « Third » au début. Ce dernier était une vraie création, et le deuxième maillot, jersey, était vintage avec un ancien blason du club.
Depuis le lancement (et mise en vente : 80 euros le maillot ClimaCool, 120 le Formotion *) en mai dernier de la « collection » 2013-14, en mai dernier, l’équipe phocéenne a à présent joué des matches officiels avec ses trois maillots. L’occasion de les décrypter. Oui, étudier le maillot d’un club, c’est un comme faire un peu d’héraldique.
Le « Home »
C’est toujours le maillot référence. Il se base sur les couleurs du club. A Marseille, il est toujours simple, bleu et blanc. Celui de cette saison ne se distingue que peu de son prédécesseur. Les armes de la ville étaient brodées sur la poitrine ? Cette saison, c’est le cœur qui est brodé : le blason du club est serti d’une couronne de lauriers, ornements symboliques des fondateurs de la ville, les Phocéens. Les armoiries se retrouvent à l’intérieur du col. Maillot blanc immaculé, et col bleu à fine bordure : un grand classique. Au club, on revendique cette continuité, « guidée par la volonté d’ancrer ces couleurs (reconnaissables et identifiables par tous) et d’être cohérents avec notre histoire ». Un maillot enraciné dans la culture et l’image de la ville : il ne fera pas débat, et se portera.
Le maillot « Away »
Il fit le buzz dès octobre dernier, lorsqu’on apprit que le maillot de l’OM serait en jean. Il fit ensuite débat. Il faut savoir que, dans les usages, un maillot « Extérieur » reste simple, mais représente plus l’image et les couleurs de la ville, voire de la région, que celles du club.
Cette année, c’est pourtant le maillot le plus innovant du club. Et il a peu à voir avec la Provence. Au jersey des années Tapie, remises à l’honneur l’an passé, a donc succédé le denim bleu brut, un peu pétrole et d’une matière à réels effet jean, avec poche zippo du côté droit, sur laquelle sont cousues des anagrammes « OM ».
De l’aveu de patrons de magasins à Marseille comme à Paris, c’est celui qui se vend le mieux.
Première surprise : c’est le plus novateurs des trois, dans un domaine où les « créatifs se lâchent plutôt sur le troisième maillot (le réversible de l’an dernier dans le plus beau cas, le orange et marron 100% hideux en 2011-12). Sylvain Vachier, responsable Marketing Produits au club, tempère :
La répartition des maillots n’est pas toujours conçue ainsi même si je vous accorde le fait que nous étions sur ces bases les saisons dernières. Le maillot Away 08/09 (le fort joli jacquard, ndla) par exemple était aussi un maillot « lifestyle ». Le maillot « jeans » a été pensé pour mettre en lumière le caractère universel du club : quel produit est aussi porté, sur les cinq continents, par tous les âges et tous les sexes ? L’OM affiche donc son authenticité et son ADN fédératrice avec le choix de cette matière
Du côté Adidas, le responsable Marketing Foot pour l’hexagone, Sylvain Bouches, évoque
le côté engagé du jean, qui est le point commun entre une matière textile, une ville et un club. Le jean, c’est intemporel, tout le monde en a un. On en met tous les jours
Une matière à l’image intemporelle, une matière symbole. Comme un club. Un maillot raconte aussi une histoire. C’est pourquoi les plus beaux maillots s’affranchissent du temps, et on les porte toujours au bout de dix, vingt ou trente ans.
Le « Third »
C’est le maillot porté en Coupe d’Europe, et pour les matches de gala. Il peut être la simple pièce d’une histoire que les deux autres maillots ont ouverte. Il peut être l’occasion de célébrer un anniversaire, ne légende… ou un hommage aux supporters (le third 2007-2008, orange, rendait hommage aux South Winners, dont c’est la couleur). En général, le « Third » est l’équivalent de la robe de mariée des rands défilés de mode.
Cette année, à l’OM, il est moins créatif que le denim. Mais il rend hommage à l’étoile du club : cette victoire de 1993 en Champions League. Le maillot est à dominante bleu ciel, et laisse deviner un (assez abstrait cependant) éclaté d’étoiles, symbole européen, dans un dégradé de bleu sur la partie haute, qui rappelle aussi l’univers des Coupes d’Europe. Chaque détail du maillot a été pensé en mémoire de ce jour de gloire. A l’intérieur du col, on trouve cette inscription qui, depuis vingt ans, a porté l’OM aux portes de l’éternité :
26 mai 1993, l’OM à jamais dans l’histoire
Mais pourquoi donc dissimuler un tel message sur l’intérieur, et non arborer d’exhiber cette marseillaise fierté ? Sylvain Vachier d’expliquer :
Les réglementations restreignent les possibilités d’inscrire un message sur la partie visible du maillot. En apposant la signature « 26 mai 1993, l’OM à jamais dans l’Histoire » dans le col, nous parions à cette problématique et rendions un hommage discret mais appuyé à ce glorieux fait d’armes. L’ensemble du maillot est conçu dans cet esprit : les étoiles sur le plastron sont un rappel du symbole de la Champions League (nous n’étions pas autorisés à reproduire le logo de l’UCL), les bandes et les logos argentés font référence à la couleur de la coupe aux grandes oreilles…
C’est donc en toute logique que ce maillot fut dévoilé… en mai dernier, lors du dernier match de l’OM au Vélodrome, contre Reims. Pile vingt ans après.
Chez Adidas, on explique le message du col en le conjuguant au futur :
Il ne s’agissait pas seulement de faire un maillot anniversaire, mais aussi de le projeter dans le futur. C’est pourquoi nous avons mis le message dans le col, et avons travaillé sur l’identité du club en Europe, tout en rendant hommage à la compétition à travers la reprise des thèmes argentés
Comme dans la mode, la haute couture, le design ou l’automobile, les étapes jalonnant la création de ces « lignes » débutent deux out trois ans en amont de la mise en vente. Ainsi, au moment où vous lisez ces lignes, la ligne 2014-15 existe. Il serait dommage que l’une de ces pièces ne rende pas hommage au Vélodrome, un des trois-quatre fleurons de la cité phocéenne, dont la rénovation sera alors achevée. Comme le football tout entier, un simple maillot est, aussi, un lien social entre une ville et ses citoyens - lien qui demeure un peu cher, certes.
* Il s’agit d’une technologie Adidas. Le maillot épouse aussi bien les muscles que les mouvements. Ce maillot est celui que portent les joueurs sur le terrain)
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