22 novembre 2013

«JFK, Le dernier jour» : le livre à lire ce jour

Il y a cinquante ans et quelques heures, le Président Kennedy vivait ses dernières lueurs à Dallas. Impossible de passer à côté ce vendredi, et depuis toute cette semaine.

Une semaine que je commençai en évoquant, dans mon Pop Corner sur France Inter, les résonances de cet assassinat sur la fiction, et sur la culture pop : DeLillo, Ellroy, Oliver Stone, Ministry, Lana Del Rey, ou Stephen King.

Pour conclure cette semaine, focus sur un livre. Parmi tous les livres parus sur la question ces dernières semaines, il en est un qui l’emporte par son investigation, sa pédagogie, son rythme haletant et sa précision : « JFK, Le dernier jour » de François Forestier.

Critique cinéma au Nouvel Observateur, l’auteur utilisa sa plume pour écrire des fictions, souvent des polars (« Rue des Rats », « Blue Moon »), ainsi que des bios (sur Howard Hugues, sur Onassis, sur Martin Luther King) déjà marquées par l’histoire et la culture des Etats-Unis. Forestier avoua, de lui-même, avoir mis sa plume de nègre au service de Sonia Rolland (Miss France 2000), d’une des infirmières bulgares torturées par Kadhafi, de diverses figures de la jet-set, de comédiens et de gangsters divers.
Forestier est, donc, intrigué par les USA, et par cette époque où les droits civiques étaient une lutte, Hollywood un repère ellroyen de mafieux et de comédiens, et où la beauté était au pouvoir. L’époque de Marilyn et John. Un des ses derniers récits, publiés en 2008, s’intitule d’ailleurs « Marilyn et JFK ».
Récit, ce « JFK, Le dernier jour » l’est aussi. Car ce n’est pas un roman. Ce n’est pas non plus un document : Forestier ne brode pas sur une nouvelle hypothèse, et n’entre ni dans le débat des thèses, ni dans celui du complot. Entre conspiration communiste, fanatisme d’extrême droite ou acte isolé d’un pro-castriste fou, il penche d’ailleurs assez nettement pour la piste mafieuse : les « parrains » Carlos Marcello et Santo Trafficante, mis en échec par le jeune président démocrate et surtout par Robert, qui d’ailleurs expulsa illégalement l’un d’eux du territoire américain.

 
« JFK, Le dernier jour » est ce que les anglo-saxons appellent « narrative non-fiction » : c’est raconté comme un roman, on en connaît la fin, mais ça n’empêche pas d’en apprendre de bien belles, et des tonnes. Histoire de voir les choses non pas autrement, mais plus profondément.
C’est raconté autrement car, ici, c’est narré au présent. Alors, on ne lâche pas.
Comme l’indique son titre, ce livre raconte cette journée du 22 novembre 1963 à Dallas. Quasiment minute par minute. Mais aussi avec force digressions, parfaitement imbriquées dans le scénario de la journée telle que la met en scène l’ouvrage.

On y plonge une plongée saisissante dans l’Amérique des années 1960, à commencer par le chaudron texan, « le seul Etat qui ait réussi à aller de la barbarie à la décadence sans passer par la civilisation ». En 1963, Dallas est cette ville en croix qui n’est plus gouvernée par son maire pais par un syndicat de milliardaires du pétrole. La ville, écrit l’auteur, « est au top du hit-parade du sang. Il, y a plus de meurtres commis au Texas que dans n’importe quel autre Etat américain. Et il y a plus de meurtres commis à Dallas que n’importe où au Texas ».

 
Ensuite, Forestier brosse le portrait des principaux protagonistes : JFK, Jackie Kennedy, Robert F. Kennedy, Lyndon Johnson, Lee Harvey Oswald, Jack Ruby (qui tua Oswald), mais aussi John Edgar Hoover, ou encore des exilés ou mafieux. Par ce que chacun faisait, à Dallas, Washington, à Cuba, voire même en avion pour l’Asie comme certains ministres en voyage officie, on revit, en déroulé et en apnée, le jour J quasi heure par heure.

 
Dynamique, « JFK, Le dernier jour » est aussi hyper pédago, d’une précision qui le rend très agréable, saisissant, glaçant, mais qui aide à voir intelligemment. Sont dépeintes ici aussi bien le contexte (la haine des Kennedy au Texas, la haine entre JFK et son vice-président, pourtant aussi baiseurs l’un que l’autres), les forces en présence et leur histoire (la dynastie Kennedy, Hoover, Oswald, les exilés mafieux), que les évènements factuels et les zones d’ombres (des morceaux de cervelle présidentielle retrouvés bien après les faits). Des zones laissées à l’ombre, ce qui permet à Forestier d’ouvrir son livre ainsi :

John Fitzgerald Kennedy a été tué par les péchés de l’Amérique. Il a raté la baie des Cochons, mis le feu au Vietnam, placé Fidel Castro sur la liste des hommes à abattre, cocufié sa femme, osé favoriser l’intégration des Noirs, humilié le parrain Carlos Marcello, baissé la garde devant les Soviétiques. Pire que tout : il n’était pas intéressé par l’argent -il en avait plein. A Dallas, le 22 novembre 1963, il a littéralement été crucifié

 

Et de développer ensuite une puissante « narrative non fiction ».

Parmi les publications sur le sujet, le Pop Corner recommande aussi :

  • « Anatomie d’un assassinat. L’histoire secrète de la mort de JFK » de Philip Shenon (Presses de la Cité, 656 p, 23 euros)
  • « Qui n’a pas tué John Kennedy? » de Vincent Quivy (Le Seuil, 288 p, 19 euros)

 

JFK, Le dernier jour de François Forestier, Albin Michel, octobre 2013, 281 p, 19,50 euros

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