Tout ça.
Ça existe.
Ça existe dans un film: «Les Âmes de papier» qui, somme toute, est le film idéal dans une période de fête.
Sorti le jour même de Noël, à côté du « Loup de Wall Street » de Scorcese, ce film léger est né du cerveau de Vincent Lannoo, réalisateur belge à qui l’on doit le seul film belge du « Dogme », ce mouvement lancé par le Danois Lars Von Trier. C’était en 2001.En 2013, voici donc un beau conte de Noël. Qui voit Stéphane Guillon interpréter un rôle dont l‘humour noir lui va comme un gant de velours : Paul, auteur d’oraisons funèbres. Un métier qui n’est pas une vocation, mais l’occasion de pactiser avec un deuil, des fantômes, et la vie en somme. Paul est un romancier en panne, qui s’est converti en rédacteur d’oraisons funèbres pour de riches clients : ils lui racontent qui était la personne défunte, et il trousse un texte d’hommage sur cette personne-là. C’est d’ailleurs sur une telle scène que s’ouvre le film. Très vite, une jeune veuve vient lui donner du travail, qui élève seule son fils. Cette femme, c’est Emma, interprétée par Julie Gayet. Son fils n’a pas connu ce père disparu au cours d’un reportage de guerre. Notre écrivain qui broie du noir accepte cette mission, se lie d’amitié avec l’enfant et tombe amoureux de la mère.
(Voir la bande-annonce)
Un univers touchant et personnel
Ici, chacun a ses fantômes, ses dénis, sa nouvelle vie. Cette rencontre va bouleverser la vie des trois personnages. Les âmes de papier du titre, ce sont ces zones d’ombres qui, du pouvoir des mots et de l’imaginaire, renaissent et changent leur vie. Une histoire loufoque, qui prend corps de façon crédible, douce, subtile, dans un mélange très juste de pathos, d’humour et de fantaisie. Ce pourrait être une histoire à dormir debout. Mais c’est un conte des plus doux. Ici, on rira de la mort, mais sans aucun cynisme.
Ce, grâce à un univers très personnel, qui mêle poésie du quotidien et climat d’émerveillement inquiétant. Un univers qui n’est pas sans rappeler celui des films de Caro et/ou Jeunet, univers incarné tout entier à travers un personnage pivot : le voisin de Paul/Guillon, joué par un Pierre Richard, doux dingue envahissant, homme meurtri qui oscille entre gout pour la vodka et persévérance de la recherche. Car lui aussi recherche un fantôme. Un enfant. Dans la mémoire des camps. Fort de ses meurtrissures, distributeur de formules et bons mots (« On commence par bosser, on finit par coucher »), ce voisin devient plus qu’un pivot : il est en fait un passeur. Un révélateur.
On a retrouvé Pierre Richard
« Les Âmes de papier » vise juste car il est une variation sur le deuil autant que sur les forces de survie. Sur le naturel et le surnaturel. Sur l’enfant et sur l’adulte. Au bout du compte, chaque personnage y est un pivot, et c’est en cela que la vie l’emporte.
Voici un film simple et bien barré –belge, donc. Une fable très fine, portée par des acteurs qui dégagent un grand plaisir de jeu, et dont le jeu y est de grâce. On ne connaissait plus cette grâce à Guillon. On retrouve avec un grand plaisir, chez Judith Gayet, la simplicité juste et touchante qu’elle montre souvent, et qu’on vit dans « After » au début de l’année.
Quant à Pierre Richard, il est à lui tout seul un festival. A 79 ans, l’ex Grand Blond avec une chaussure noire est un festival de burlesque, de souplesse, de justesse. Il est l’alter ego idéal à un Stéphane Guillon qui a rarement paru si à l’aise dans une composition où il a su s’écarter de son personnage médiatique.
Entre pouvoir de l’imaginaire et psychanalyse des contes de fées
Toujours plus complexe qu’il n’en a l’air, ce film réussit tellement à
rester simple qu’il est tout à al fois une pure comédie (dramatique) de
caractères et une histoire baignant dans l’imaginaire, celui des mots,
leur pouvoir, et dans les croyances mystiques de la vie après la mort, la métempsycose.
« Les Âmes de papier » débute sur les boites que sont les cercueils. Il
finit en s’ouvrant sur le pouvoir d’autres boîtes : celle où sont
enfouis nos rêves.
C’est une belle surprise que ce film. Qui, en la période de Noël, offre une belle raison de sortir et aller dans un autre genre de boites : les salles obscures.
Les Âmes de papier de Vincent Lannoo
Avec Stéphane Guillon, Julie Gayet, Jonathan Zaccaï, Pierre Richard
Durée : 1h40
Sorti le 25 décembre. Cinquante salles sur toute la France
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