Ça y est, Michel Platini a perdu la raison. Raison sociale, cette
fois. Il semblait déjà avoir pris un coup de chaud en Géo, avec cette
idée d’organiser l’Euro 2020 dans des villes différentes et très
distantes de tout le continent -idée qui, depuis, a malheureusement été validée.
Mais cette fois, ce n’est plus un coup de chaud, tant sa phrase dépasse
son champ de compétences : c’est une irradiation.
Répondant, Michel Platini a émis le vœu que les Brésiliens attendent la fin du Mondial pour descendre dans la rue.
La France a Hollande, l’UEFA a Platini
Rappelons les causes des manifestations rejetées par Platini :
• hausse des prix des transports
• services publics déficients
• corruption et violences policières
• « pacification » des favelas
Quelle mouche a donc piqué Platini ? Lui qui depuis qu’il préside l’UEFA, depuis janvier 2007, milite pour le fair-play financier ? C’est-à-dire pour un football qui soit moins une zone de libre-échange dérégulée qu’une activité protégée par les règles économiques en vigueur au sein de l’Union européenne. Visant la présidence de la FIFA, Platini a-t-il définitivement cédé à la realpolitik de l’argent ? Probable. En somme, Platini aurait retourné sa veste, comme Hollande en France, et sciemment piétiné toute idée humaniste et sociale pour rester en son perchoir. Le problème, c’est que quand on a trahi un jour, on trahit toujours.
Quand Platini parle comme un sénateur
Il faut absolument dire aux Brésiliens qu’ils sont là pour montrer les beautés de leur pays et leur passion pour le football. S’ils peuvent attendre un mois avant de faire des éclats un peu sociaux, ça serait bien pour le Brésil et la planète football.
Manifestez toute la vie, mais pas pendant le Mondial, c’est donc la
pensée platinienne. Bien sûr, cette pensée est conne : un manifestant
choisirait la date où il manifeste comme il choisirait ses dates de
vacances…
Mais, Monsieur Platini : une bonne part des gens qui manifestent, au Brésil, en France, partout, ne partent pas en vacances.
Mais, Monsieur Platini : bien que l’enjeu économique soit énorme et essentiel pour un pays qui, en deux ans, va accueillir le Mondial de football et les Jeux Olympiques, le sport n’est en rien déconnecté de la réalité.
Mais, Monsieur Platini : comme le montraient les manifestations au Brésil l’an passé, et comme le montrait encore le documentaire « Looking for Rio », les amoureux du foot au Brésil ne pourront, pour une bonne part d’entre eux, assister à leur propre Coupe du Monde. Ils manifestent même pour ça.
Mais Monsieur Platini : ces propos, prononcés avec le sourire assassin et avec un cynisme aussi froid que l’injustice, s’appelle une injure. Une insulte. Un affront. Qui ne fera, par définition, qu’alimenter la soif de justice des peuples du football. A commencer, donc, par le premier injurié : le peuple brésilien.
Mais, Monsieur Platini : le football n’appartient pas aux dirigeants, mais aux pratiquants, et aux peuples de la terre entière. Vous n’avez pas à lui donner de conseils. Vous parlez comme un vieux sénateur quoi s’y croit.
Mais, Monsieur Platini : une Coupe, du monde de football est un évènement que moi, comme des milliards d’individus sur terre, regarderont, suivront, vivront. Une Coupe du monde n’est pas un tournoi privatisé, quand bien même les droits télé le sont. Une Coupe du monde n’est pas un sommet du G20.
Brésil 2014 : comme Gênes 2001 ?
Certes, il est à craindre que les ardeurs de la police brésilienne, et de tous les services d’ordres privés qui seront mobilisés, soient décuplées. Que le gouvernement, voulant une Coupe du monde toute propre, fasse la chasse au manifestant. Je ne dis pas que ça va arriver. Je dis qu’à ce jour, c’est à craindre, et que l’intervention platinienne en est une expression. Au vu des évènements de l’an passé, il est à craindre que, pour les manifestants du Brésil, les rassemblements tournent comme avaient tourné ceux de 2001 à Gênes lors des manifestations anti-G8 qui firent un mort côté militants.
Disneylandisation du foot et omerta
Si ses déclarations tournèrent en boucle sur les chaînes tout info, on peut s’étonner du silence qui, ailleurs, entoure cette honte. Hormis Pascal Praud ce midi sur I>Télé, lequel a aussi écrit sa saine rage, quasi rien. Rien dans L’Equipe ce matin. Sainte parole, ce que dit Platini ? Non, omerta. Comme beaucoup de ce qui vient de la FIFA et de l’UEFA.
Outre l’insulte à tout un peuple, la sortie de Platini témoigne que lui, comme les dirigeants du foot mondial, ont intégré l’idée que le foot est au-dessus de la mêlée sociale. Pour eux, c’en est fini du foot comme langage, comme activité humaine et sociale. De la même façon que les jeunes joueurs pros de l’élite sont devenus des garçons qui passent à la télé chaque week-end et se coiffent en fonction, Platini et ses frères de bureau sont totalement ailleurs. Et déconnectent le football de son histoire sociale. Le foot, c’est Disneyland. Un spectacle. Uniquement. La preuve : comme pour les parcs d’attraction, on paye cher pour voir un match, c’est même pour ça qu’on a le foot-business.
Alors, au fond, que signifie la sortie de raison de Platini ? Qu’il ne dirige plus.
Que souhaite-t-on ? Qu’il dirige. Et parle non pour insulter, mais pour humaniser.
Que souhaite-t-on ? Se souvenir de l’immense joueur qu’il fit, lui qui eut la chance d’être un surdoué, et d’être dirigé par le plus grand homme du football français, Michel Hidalgo. Un homme posé.
Platini est une des deux-trois plus belles choses arrivées au football français. Il ne faudrait pas qu’il soit une des pires qui arrivent au football mondial.
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