On connaît chacun des personnages. Ils sont ici plus seuls que jamais, c’est pourquoi ils nous touchent encore plus.
On les connait, mais ils vont être amenés à décider, trahir, conforter, tomber, et survivre d’une façon souvent surprenante : c’est pourquoi ils nous scotchent encore plus.
« Engrenages » roule toujours avec des pièces toujours plus interdépendantes. Comme le sont, d’ailleurs, les institutions de la police et celle de la justice. Dans la première, revoici la capitaine Laure Berthaud (interprétée par Caroline Proust), « Gilou » Escoffier (Thierry Godard), « Tintin » (Fred Bianconi), toujours en butte avec leur propre hiérarchie, un commissaire aux contours encore plus flous, avant de devenirs plus humains, interprété par Nicolas Brançon). Sans compter les luttes intestines, qui en plus se saupoudrent de passés personnels, avec d’autre brigades de la Crim’ et PJ. Dans l’institution judiciaire de la série, on retrouvera les avocats Pierre Clément et Audrey Fleurot (joués par Grégory Fitoussi et une Audrey Fleurot plus troublante encore, et plus fragile aussi), ainsi que le juge Roban (Philippe Duclos).
D’emblée, le ton est donné : les cadavres d’une jeune femme et de sa petite fille sont retrouvés, accrochées à l’hélice d’une embarcation sur le canal de l’Ourcq, dans le nord de la capitale. Fille et mère ligotées l’une à l’autre. Une intrigue initiale, qui ne cessera bien sûr de rebondir, et qui ouvre sur des arracheurs de colliers en or, des pilleurs de DAB, des gangs de filles, un ressortissant libyen protégé ou encore une balance aux deux visages.
Un thème fort, et décliné sur tout
Ces ramifications sont larges car toute sont reliées par un thème d’une grande puissance. Une thématique qui nimbe toutes les intrigues de cette saison 5, comme rarement série française n’avaient pu le faire : la maternité. Car avant même la découverte du canal, le spectateur aura vu Laure Berthaud apprendre qu’elle est enceinte. Sans l’avoir désiré. C’est remuée par cette nouvelle vie qu’elle trouve les cadavres de la mère et de la fille… Elle remettra toujours au lendemain sa décision de garder ou pas cet enfant. Le père ? On l’avait vu décéder en fin de saison précédente, lui l’inspecteur qui tentait de désamorcer un explosif. Cette mort laisse trainer tensions et culpabilités entre tous ses anciens collègues, qui sont justement nos personnages de policiers. Aussi, Gilou tentera-t-il de proposer ses services de pères de substitution. Lui, aussi seule que tous ici, aussi seul que Tintin, qui commence à fuir son foyer et ses propres fils (des jumeaux).
Durant les douze épisodes, cette question de l’enfant et de la
famille sera déclinée ici par un personnage de fille adoptive, là par
des grands-parents retords, ici encore par des répliques ne cessant de
rappeler à Laure qu’elle doit choisir, ou là par une prise d’otage.
Subtilement scénarisée, elle rejaillit inexorablement sur chacun des
personnages, sur le développement de sa vie privée comme sur ses choix
professionnels, tout en ayant une influence sur les moyens qu’il se
donnera pour se enquêtes –on ne saisit pas le véritable statut de ceux
qui arrivent dans l’épisode 12 si on n’a pas clairement vus les
précédents. On ne saisit pas ce qui taraude le juge Roban quant à ses
erreurs d’appréciation sur un père que tout condamne (y compris lui) si
on ne regarde pas tous les éléments.
Par une qualité scénaristique, mais aussi une écriture poussés tous deux
un cran plus haut qu’avant c’est dire), cette cinquième saison offre un
degré d’intimité jamais ressenti par tous ses personnages. Une
empathie. Offrant une galerie de protagonistes ou imbroglios personnels,
toutes haletantes et/ou poignantes. Pour ne pas sombrer, ceux qui se
confrontent au mal quotidiennement – Laure, Gilou et Tintin côté flics,
Joséphine et Pierre pour les avocats et le juge Roban, autant de
personnages pour qui notre empathie s’est décuplée- se raccrochent comme
ils peuvent les uns aux autres.
« Un vrai rôle de fille »
Quelque part, donc, c’est le rôle de Berthaud qui offre le plus de nouveau. Caroline Proust, qui l’incarne disait d’ailleurs :
Enfin un vrai rôle de fille pour elle
La showrunner (terme sous lequel elle apparaît dorénavant, ce qui signe le statut artistique qui est désormais le sien) Anne Landois, qui tire les ficelles depuis deux saisons, illustrait ainsi la volonté voulue dès l’écriture de l’arche narratif de la saison :
Pour nous, c’est vraiment la saison des mises à l’épreuve. C’est aussi pourquoi, après la mort de Sami (l’inspecteur amant de Laure Berthaud, ndla), la production souhaitait repartir sur les personnages, et non pas d’une intrigue. Cela viendrait après. Cette saison porte sur le deuil et sur la vie
Comme les précédentes saisons, comme aussi les créations originales de Canal, ce « Engrenages » S5 est marquée au fer de l’ultra-réalisme. Cette série, crée par Alexandra Clert et Guy-Patrick Sainderichin, est nourrie par plusieurs scénaristes, auxquels s’ajoutent deux commandants de police (dont l’un joue à l’écran), deux avocats pénalistes, et deux juges d’instruction (dont Gilbert Thiel, retraité des palais qui est aussi à l’écran).
Une French touch qui marche à l’étranger
Avec ce côté toujours un peu sépia et bleuté de l’image (comme dans « Braquo »,
avec cette écriture et cette mise en scène tirés au cordeau, avec cette
façon de mettre l’intelligence du spectateur à contribution,
« Engrenages » est de ces histoires dont on ne sait jamais vraiment, au
fond, s’il s’agit de fiction tant la société qu’elle radioscopie y est
disséquée.
C’est probablement pourquoi elle se vend dans soixante-dix pays à l’étranger. Ce fut même la première série crée par une chaîne française qui fut vendue à la chaîne anglaise BBC.
Et la saison 6 est déjà en cours d’écriture.
Engrenages saison 5. 12 épisodes de 52 mn.
Création originale Canal Plus.
Diffusion : Canal Plus, le lundi à 20h55. 2 épisodes par soir à partir du 10 novembre.
Une saison basée sur une histoire d’Anne Landois et Simon Jablonka.
Réalisée par Frédéric Jardin (1 à 6), Frédéric Balekdjian (7 à 10) et Nicolas Guicheteau (11 et 12).
Avec Caroline Proust, Grégory Fitoussi, Philippe Duclos, Fred Bianconi, Thierry Godard, Audrey Fleurot, Nicolas Briançon…
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