Je reviens ici par l’endroit d’où je vous avais quitté : l’OM. Et, même s’il est loin maintenant, par un des derniers dont j’avais parlé ici : Marcelo Bielsa.
Je l’ai écrit ici ou là, « el Loco » était le feu et la glace (assurément l’est-il encore, mais la façon avec laquelle il nous planta un soir d’été interdit de nous émouvoir de lui… tout en souhaitant qu’il revienne !).
Ce mardi 15 mars, c’est une interview savamment calculée qu’a publié L’Equipe : celle de Jan Van Wickel, l’adjoint (belge) de l’ex-entraîneur de l’OM en 2014-2015. L’ancien bras droit d’ « El Loco » revient pour la première fois sur celui qu’il appelle « le Professeur », et n’y va pas par quatre chemins :
« Durant quelques mois, nous avons joué le plus beau football du monde »
15 mars 2015, 15 mars 2016 : douze mois et un gouffre
Cet entretien ravive une flamme jamais éteinte. Évidemment, sa date n’est pas fortuite : ni de la part du quotidien sportif, ni de celle de Van Winckel. Il y a pile un an, le 15 mars était un dimanche, et on y jouait un OM – Lyon. Après avoir été en tête de la Ligue 1 durant des mois, marqué plein de buts et surtout les esprits, l’équipe de Bielsa était encore troisième. On savait l’équipe diminuée : par l’intensité des efforts physiques et tactiques demandés par le coach, par les blessures (à la CAN) de Nkoulou et Ayew, par les ateliers vidéo interminables lors des entraînements, et par un Marcelo Bielsa autant génie tactique qu‘autiste avec les humains. Certes, son OM encaissait des buts (une défense à trois centraux lancée en début de saison et qui mit du temps à s’acclimater). Mais depuis belle lurette, on n’avait pas vu les Phocéens avoir une telle faim de ballons, exercer un pressing aussi intense, récupérer, posséder, créer et… marquer tant de buts. Si Payet est devenu celui qu’il est maintenant, c’est à Bielsa qu’il le doit : d’attaquant, l’Argentin fit de son joueur un meneur de jeu et un passeur-buteur. Si Gignac fut enfin décisif, idem.
Mais, puisque les gens très bien ont toujours des zones d’ombres qui les rendent clivants, celles de l’Argentin nous lassèrent. Un stakhanoviste aussi froid que génial. Un passionné trop maniaque, un ennemi de la presse (je me rappellerai longtemps de ces trois conférences que je vis, et où lui ne regardait personne). Cette impression d’avoir un fantôme en face de soi. Un mec ambigu avec tout le monde autour de lui… mais jamais avec le public. Un mec fait pour le billard à trois bandes : toujours bon dans les rapports et les deals indirects, jamais là dans le jeu direct. On lira avec intérêt la courte bio signée Thomas Goubin, parue l’an dernier (« Marcelo Bielsa, el Loco unchained », Eds Hugo/Sport, 159 p, 9,99 €), et qui complète très bien tous les articles parus au sujet de notre homme.
N’empêche, il nous manque. Malgré son départ piteux et honteux, il nous manque. Depuis 2011, l’OM n’avait plus joué comme une équipe. Avec lui, c’en fut une, qui joua un jeu aussi beau que son aînée des années Gili et Goethals. Et depuis août 2015, cette dernière s’est décomposée. Steve Mandanda, Lassana Diarra et, dans une moindre mesure Nicolas Nkoulou et Georges-Kévin Nkoudou sont des baobabs cachant le désert.
En sept mois, Michel n’a pas été fichu de bâtir une équipe-type. Essayer de trouver un système de jeu, une philosophie, voire même des directives claires sur les tablettes de cet entraîneur revient à chercher un stimulus de gauche dans la pensée motrice d’Emmanuel Macron.
Le jeu prôné par Michel est comme la France sous Hollande : molle, indolore, ne faisant peur à personne, on tente un petit truc et on repart, aucune réflexion à long terme, aucune autorité sur rien ni personne, et un très profond désamour de soi. Michel, c’est ça. Certes, un ancien grand joueur, mais un entraîneur mou dans le jeu et les idées.
On ne saurait cependant blâmer que le coach : les joueurs ont évidemment leur part de responsabilités. Et que dire d’un Labrune aux fraises depuis plus d’un an. Reconnaissons lui le talent d’avoir su faire venir Diarra, mais reconnaissons aussi qu’il ne sait plus gérer ni son club ni l’équipe.
Sacré rappel
Quelque part, les articles du jour dans L’Equipe nous rappellent à quel point Bielsa avait une haute idée des idées. Et à quel point l’Espagnol, lui, semble à court d’idées. Cruel rappel. Mais ô combien utile.
Il s’inscrit d’ailleurs dans une double page « marseillaise ». A gauche, un grand article intitulé « Un an de gâchis ». A droite, l’interview avec ce titre :
Bielsa avait toujours raison
Dans cet entretien, Jan Van Winckel revient sur sa relation avec l’Argentin et sur ce qui l’a marqué durant leur collaboration. Morceaux choisis :
Je retiens trois choses : la quête des gains marginaux, la passion et le dynamisme. L’entraînement avec le « Professeur » est une quête de ces trois éléments. C’est à cela qu’il aspirait et c’est cela que l’on retrouvait sur le terrain. Durant quelques mois, nous avons joué le plus beau football du monde
Nos rencontres constituaient des cas d’école sur la manière dont le football devrait être joué. Avec pression, passion et une énorme verticalité
Bielsa est doté d’une incroyable intelligence et il la consacre intégralement au football. Seul celui qui consacre toute son énergie et toute son âme à une cause peut être un vrai maître. Durant les seize mois pendant lesquels j’ai travaillé pour l’OM, nous avons pris quatre ou cinq jours de repos. Le reste du temps, nous étions toujours au club pour travailler. Bielsa consacre sa vie au football et en attend tout autant de ses assistants proches
Sur les raisons du départ de l’Argentin, par contre, Winckel botte en touche :
Je n’ai pas d’avis sur cette question et je en suis pas censé en avoir
Il faut dire que, par ras-le-bol sans doute, le Belge s’était lui-même séparé du club et de l’Argentin. Il occupe aujourd’hui le poste de directeur technique de la Fédération d’Arabie saoudite.
Transcender les hommes
Cette double page vient, donc, refaire planer sur nos esprits une ombre qui en était pas partie : celle de Bielsa, celle surtout de son jeu, de son exigence, de son style, de sa façon de respirer le jeu.
Elle convoque en nos désirs ce vœu pieu, cette chose qu’on sait pourtant impossible : un retour de Pape Diouf et de Bielsa au siège du club.
La marche de Bielsa par olympiquedemarseille
Un retour du jeu. Un jeu avec des hommes parlant du haut d’un vécu et d’une langue qui transcende les hommes. Comme Raymond Goethals, comme Eric Gerets, comme Michel Hidalgo (le plus grand homme du football français), qui tous ont participé à l’identité du club depuis trente ans.
Comme Marcelo Bielsa.
Modifié le 21 mars à 15h20 : ajout de la vidéo « la marche Bielsa »
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